Un atterrissage en douceur
Pour des volontaires comme Sami Rahikainen, il est crucial d’établir une relation de confiance avec les migrants qui arrivent dans un nouvel endroit à la recherche d’une toute nouvelle vie. Voici son histoire.
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Une petite ferme dans le nord-est de la Hongrie vient en aide à des personnes en difficulté tout en élevant un fromage local au rang de produit gastronomique.
Dans son enfance, Molnárné Tomi Tünde a passé bien des heures aux côtés de sa grand-mère dans la cuisine, à apprendre les recettes traditionnelles locales et l’utilisation des produits que les habitants, dans cette région du nord-est de la Hongrie, savaient où trouver dans la nature ou cultiver dans le sol fertile de cette partie du pays. Tout le monde ou presque, à l’époque, avait un jardin, quelques brebis et quelques chèvres.
Or, des vagues successives de bouleversements économiques et sociaux ont profondément changé l’ordre des choses : de nombreux habitants ont perdu leur emploi et se sont éloignés de la vie agricole. Bon nombre des anciennes manières de préparer de délicieux plats à partir de plantes et de viandes locales sont tombées dans l’oubli, dans un monde où les principaux aliments que les gens pouvaient se permettre d’acheter étaient des produits industriels fabriqués à grande échelle.
On ne saurait donc s’étonner que cette femme énergique et dynamique, très active au sein de sa communauté pour soutenir diverses bonnes causes, n’ait jamais imaginé qu’elle se trouverait un jour employée à faire revivre certaines composantes de la cuisine traditionnelle de sa région, dans le rôle d’une fromagère produisant de délicieux fromages pour gastronomes.
«J’ai toujours aimé le fromage, dit-elle, mais jamais je n’aurais pensé en fabriquer moi-même un jour.»
De fait, Tünde, n’était pas un chef, mais une assistante sociale. En tant qu’employée de la Croix-Rouge, elle était connue pour organiser des campagnes de collecte de sang et d’autres initiatives destinées à aider les personnes les plus durement touchées par les transformations de l’économie locale.
C’est alors que la Croix-Rouge hongroise s’est lancée dans l’élaboration d’un programme qui allait transformer la vie de Tünde, tout en contribuant à améliorer la vie de nombreux habitants de la région qui traversaient une période difficile.
L’idée consistait à créer une entreprise sociale durable, qui générerait assez de revenus pour donner à des personnes exclues (souffrant de handicaps mentaux ou physiques, de problèmes de santé, ou encore appartenant à des minorités ethniques) une possibilité d’acquérir de nouvelles compétences, de gagner un revenu stable et de se faire une place dans la communauté locale.
Le produit choisi par la Croix-Rouge hongroise ? Le fromage de chèvre, qui serait produit dans une petite fromagerie, grâce au lait venant d’une petite ferme à chèvres située à proximité. Pour certaines personnes de la région, l’idée parut d’abord un peu extravagante loufoque insolite.
«C’est la toute première ferme de chèvres ici, à Mezőcsát, relève Tünde. «La population locale a été surprise, et elle a été encore plus étonnée de voir la Croix-Rouge mener une action de ce type. Ici, la Croix-Rouge est surtout connue pour ses activités liées au don de sang.»
La fabrique de fromage et la ferme ont pu démarrer grâce à un financement du gouvernement hongrois, de l’Union européenne et de la Croix-Rouge hongroise; au terme de longues journées de travail intensif des employés de la Croix-Rouge — de la branche locale jusqu’à Budapest —, la nouvelle appellation de fromage a été officiellement lancée en avril 2019.
L’idée originale émanait d’employés de la Croix-Rouge, désireux d’expérimenter de nouvelles méthodes d’action humanitaire en cherchant, grâce à une entreprise à vocation sociale, de créer une manière durable d’aider les habitants défavorisés de la région à trouver leurs propres moyens de subsistance à long terme, au lieu de se limiter à distribuer des vivres ou d’autres types de dons.
Ce nouveau modèle d’entreprise humanitaire permettrait, parallèlement, de permettre à des consommateurs dotés d’une conscience sociale d’allier des mets qu’ils aiment avec des causes chères à leur cœur : la préservation des traditions culinaires locales, la durabilité environnementale, les actes de générosité et de solidarité, sans oublier des aliments savoureux et sains qu’ils apprécient (tous les fromages produits ici sont exempts de conservateurs et de saveurs artificielles).
Finalement, le projet de ferme à chèvres fut non seulement accepté, mais démarra en trombe. La marque de fromage de la Croix-Rouge, Kis-Hortobágy Major, fut lancée en avril 2019 (voir ici sa page Facebook), et elle a déjà trouvé sa place sur les étals des marchés, de Mezőcsát jusqu’à Budapest.
«La population locale a été surprise, et elle a été encore plus étonnée de voir la Croix-Rouge mener une action de ce type.» Molnárné Tomi Tünde, assistante sociale, employée de la Croix-Rouge et productrice experte de fromage de chèvre
Fort heureusement, lorsque les dirigeants de la Croix-Rouge hongroise demandèrent à Tünde d’envisager de diriger le projet, elle avait une certaine expérience sur laquelle s’appuyer. «Ma grand-mère et mon arrière-grand-mère faisaient du fromage, explique-t-elle. Elles avaient des vaches, ce qui fait que le processus n’était pas entièrement nouveau pour moi.»
Malgré tout, Tünde avait encore bien des choses à apprendre. À 50 ans tout juste passés, elle se lança dans l’aventure, en mettant à contribution toutes ses compétences culinaires et humaines. Par chance, son mari, Tibor, avait une certaine expérience des soins aux animaux; il prit la direction de la ferme à chèvres. Quant à Tünde, elle affina ses propres compétences culinaires et se mit à étudier pour devenir une fromagère qualifiée.
«Nous nous levons généralement très tôt, à 4 heures, explique-t-elle. Nous prenons notre café, mon mari et moi. Nous commençons à travailler à 5 heures : je pars pour la fromagerie, et lui se rend à la ferme.»
Au début, 10 personnes s’occupaient de 50 chèvres et préparaient le fromage haut de gamme fait à la main dans une fabrique moderne et accessible. De nos jours, Kis-Hortobágy Major est autonome financièrement et sa ferme accueille plus de 90 chèvres, 200 poules et cailles. Elle dispose d’un grand jardin potager dont s’occupent les employés, qui préparent des produits laitiers allant du fromage fumé à des produits comme les fromages «orda», «parenica», du yaourt et bien d’autres produits.
«Je n’avais jamais travaillé dans une ferme jusqu’ici, mais ça me plaît», assure Norbi, l’un des employés de la ferme, qui peut se voir confier les tâches les plus variées, de l’alimentation des poulets à la traite des chèvres ou à l’entretien du jardin.
L’une des employées de la fromagerie assure qu’elle a aussi acquis une série de nouvelles compétences. «J’ai appris comment on fabrique le fromage; avant, je n’en avais pas la moindre idée», dit-elle.
En plus de fournir des emplois à des personnes qui en ont le plus grand besoin, Kis-Hortobágy Major joue un rôle au sein d’un mouvement croissant qui voit dans les produits locaux artisanaux un élément crucial pour trouver des solutions à une gamme de problèmes sociaux et environnementaux.
Mais pour de nombreux employés, la fromagerie est bien plus que cela. L’un d’entre eux le dit clairement : «Pour moi, ce n’est pas qu’un lieu de travail, c’est comme une famille», affirme-t-il.
Cet esprit de famille transparaît pendant les repas, lorsque les membres de l’équipe s’assoient pour partager les fruits de leur travail. Quoi de plus naturel que d’utiliser leur propre fromage de chèvre pour préparer le repas ? Il est utilisé dans une large gamme de plats régionaux, de salades et de pâtisseries jusqu’aux plats de viande.
Le succès de cette entreprise sociale n’est pas dû aux seuls talents culinaires de Tünde; c’est aussi sa compassion naturelle et son expérience d’assistante sociale qui ont permis de faire de Kis-Hortobágy Major un lieu de travail si particulier.
«Je ne la vois pas comme un patron, explique l’un des travailleurs de la fromagerie. Je la vois plutôt comme une amie. C’est très agréable de travailler avec elle. Elle m’écoute et elle m’aide dans tous les domaines.»
Red Cross Red Crescent magazine goes on the road with migrants as they make the exhausting journey through the freezing mountain passes of northern Colombia.