Un atterrissage en douceur
Pour des volontaires comme Sami Rahikainen, il est crucial d’établir une relation de confiance avec les migrants qui arrivent dans un nouvel endroit à la recherche d’une toute nouvelle vie. Voici son histoire.
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Illustration: Jonathan Williams
La décision d’accroître le financement direct des organisations humanitaires locales découle de l’attention croissante portée, à l’échelle internationale, au déséquilibre toujours plus grand entre les acteurs internationaux et locaux, malgré les avantages que présentent les organisations locales pour apporter de l’aide aux communautés touchées.
Le Rapport sur les catastrophes dans le monde 2015 de la FICR a ainsi conclu que le système actuel de donateurs favorise les acteurs internationaux tels que les organisations des Nations Unies et les organisations non gouvernementales (ONG) internationales et ne laisse qu’une part très réduite des fonds récoltés aux gouvernements nationaux et aux ONG locales.
Il est difficile d’être plus précis; la meilleure estimation disponible de la proportion de fonds transmis directement aux acteurs locaux et nationaux de l’aide humanitaire l’année dernière est de 0,2 %, bien que chacun s’accorde sur le fait que ce chiffre ne reflète pas la totalité du tableau. Même Development Initiatives, le groupe de réflexion basé au Royaume-Uni qui a calculé ce pourcentage, convient que la part réelle du financement reçu par ces organisations est probablement bien plus élevée. «C’est simplement la meilleure estimation que nous puissions formuler de ce que les ONG locales et nationales reçoivent directement, à partir des données actuellement disponibles», explique Sophia Swithern, responsable de la recherche et de l’analyse au sein de Development Initiatives.
Comme elle l’explique, ce chiffre — passé à 0,5 % en 2016 — ne reflète que les fonds qui ont été signalés au Service de surveillance financière des Nations Unies, auquel les donateurs et les organisations ne fournissent pas tous des informations complètes. En outre, il ne reflète que le financement direct et non les ressources qui parviennent aux organisations locales et nationales par l’intermédiaire d’autres partenaires. «Nous avons besoin d’une meilleure traçabilité pour brosser un tableau complet de ce que ces ONG locales reçoivent vraiment et de la longueur des chaînes de transactions», poursuit Sophia Swithern.
Certains donateurs, toutefois, disposent de leurs propres estimations du soutien qu’ils apportent aux organisations locales et nationales à des fins d’aide humanitaire. En Suède, l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (ASDI) estime ce chiffre à 12 % au minimum. En Norvège, 6 % de l’assistance humanitaire à la Syrie aurait transité par des ONG locales, selon une évaluation. Au Royaume-Uni, le Département du développement international convient que davantage de ressources devraient aller aux intervenants locaux et nationaux de première ligne, et il est favorable à l’objectif de 25 %, mais il ne dispose d’aucune estimation quant à la part actuelle des organisations locales. Il en va de même au Danemark.
Supprimer les intermédiaires ?
Ce déséquilibre de financement a de nombreuses raisons. Pour les organisations locales, qui ont peu de capacités administratives, il est presque impossible de satisfaire aux normes strictes de rédaction de rapports destinés à répondre de l’usage des fonds à l’intention des contribuables des pays donateurs et à prévenir la corruption ou le financement d’organisations considérées comme «terroristes». De ce fait, les donateurs recourent aux organisations internationales comme à des intermédiaires, qui prélèvent au passage un pourcentage de l’assistance afin de couvrir leurs dépenses administratives.
Les critiques prétendent que cette manière de faire rend l’aide plus coûteuse et moins efficace. Quels obstacles s’opposent à ce que l’argent soit envoyé directement aux organisations locales ? Pour les donateurs, procéder de la sorte permettrait probablement de passer plus d’accords avec de petites organisations. Toutefois, depuis quelques années, certains donateurs ont délibérément cherché à réduire le nombre de bénéficiaires dans leur portefeuille, surtout afin de réduire les charges administratives et la fragmentation de l’aide. C’est ainsi que le ministère norvégien des Affaires étrangères s’est explicitement fixé pour objectif de réduire le nombre d’accords avec des partenaires de 5500 à 4000 durant l’année à venir.
Illustration: Jonathan Williams
Peter Lundberg, de l’ASDI, explique qu’il est hors de question pour son organisation de transmettre des fonds directement aux acteurs de terrain locaux. Les fonds que l’ASDI verse aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, par exemple, sont distribués par la FICR ou par la Croix-Rouge suédoise. Les autres organisations locales sont financées par les fonds communs par pays gérés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies. «Il n’y a qu’un seul intermédiaire entre nous et l’ONG locale», affirme-t-il au sujet de ces fonds. Pour le fonds destiné au Pakistan, dit-il, 60 à 70 % de l’argent va à des organisations locales.
Le Royaume-Uni est l’un des trois donateurs qui soutiennent le réseau START, géré par des ONG, qui consacre près de la moitié de ses ressources à des organismes locaux et nationaux. Il a aussi lancé l’année dernière un programme de préparation aux catastrophes et aux situations d’urgence, doté de 53 millions de dollars É.-U., afin de renforcer les capacités d’ONG locales et nationales. Plutôt que de transférer les fonds directement, le Royaume-Uni souhaite atteindre l’objectif de 25 % en soutenant les efforts qu’accomplissent les ONG internationales et les Nations Unies pour transférer davantage de fonds aux partenaires nationaux et locaux.
Le Danemark aussi reconnaît les avantages des organisations locales et soutient l’objectif général qui consiste à accroître le soutien aux organismes locaux et nationaux. Cependant, explique Stephan Schønemann, du ministère des Affaires étrangères, l’administration danoise manque de capacités pour mettre en oeuvre le degré de suivi qu’exigerait le financement direct des groupes locaux.
Malgré leurs limitations, certains donateurs considèrent qu’il n’est tout simplement plus possible de continuer à dépendre lourdement des organisations internationales. Une évaluation de l’aide humanitaire danoise réalisée par l’ITAD, une organisation britannique d’évaluation et de suivi de l’assistance, pose la question : pourquoi une part si importante de l’aide danoise transite-t-elle par les institutions des Nations Unies, qui, selon l’ITAD, «n’interviennent pas directement, sont souvent plus lentes que les ONG pour acheminer l’assistance humanitaire et ont des partenaires d’exécution confrontés à des coûts de transaction extrêmement élevés» ?
Les organisations internationales devraient fonctionner davantage comme des facilitateurs des activités menées par d’autres plutôt que de débarquer, à chaque nouvelle crise, avec du matériel coûteux et des salaires copieux, affirme Christina Bennett, chercheuse au Overseas Development Institute, un organisme de recherche politique britannique.
Christina Bennett est l’auteur d’un rapport récent, Time to let go: remaking humanitarian action for the modern era, qui appelle les Nations Unies et les grandes ONG internationales à renoncer au pouvoir et au contrôle et à aider les organisations d’aide nationales et locales à diriger les interventions en temps de crise. L’une des difficultés consiste à lever des fonds afin de renforcer les capacités des organisations locales.
Telle est exactement la logique qui soustend le Fonds d’investissement des Sociétés nationales, récemment créé par la FICR, d’un montant de 50 millions de dollars, qui récoltera des fonds spécifiquement destinés aux capacités organisationnelles des Sociétés nationales, pour leur permettre de répondre aux exigences de suivi et de rapport des donateurs et de chercher de nouvelles sources de fonds sur le plan local et national.
Lorsqu’un séisme d’une amplitude de 7,8 sur l’échelle de Richter a frappé la région côtière du centre de l’Équateur au mois d’avril, les secouristes de la Croix-Rouge équatorienne furent parmi les premiers sur les lieux, pour rechercher les survivants et fournir des premiers secours, des vivres, des couvertures et tout le réconfort possible. Il fallait agir vite et la Société nationale n’a pas perdu de temps pour demander de l’aide. Tandis que la FICR lançait un appel d’urgence international, la Croix-Rouge équatorienne recourait à un outil en ligne permettant d’envoyer de l’argent directement aux organisations de secours locales.
Cette plate-forme de collecte de fonds en ligne permet aussi aux organisations locales de demander un soutien financier par leurs sites Web et les médias sociaux. À la mi-juillet, plus de 660 000 dollars É.-U. avaient ainsi été réunis, essentiellement grâce à des dons sollicités par l’intermédiaire des réseaux sociaux, et en particulier Twitter, grâce auquel la diaspora équatorienne a répercuté l’appel.
À l’heure où le secteur humanitaire discute des moyens d’accroître le soutien direct aux organisations locales, cette option est intéressante, en particulier pour les catastrophes de moindre ampleur, qui ne suscitent pas un large écho dans les médias internationaux. Lorsque la tempête tropicale Erika a frappé l’île de la Dominique, dans l’ouest des Caraïbes, en août 2015, les inondations et glissements de terrain ont fait 11 morts et plus de 570 sansabri. La crise n’était pas assez grave pour faire les grands titres des médias du monde entier, mais les besoins d’hébergement, de services de santé, d’eau, d’assainissement et d’hygiène étaient considérables. La FICR a lancé un appel d’urgence et débloqué 171 000 dollars de son Fonds d’urgence pour les secours lors de catastrophes, mais la Société nationale a aussi recouru à cette plate-forme de collecte de fonds en ligne.
Une semaine plus tard, la Croix-Rouge dominicaine avait réuni environ 11 000 dollars; après un mois, la somme atteignait 51 000 dollars. La plate-forme prélève une commission de 5 % pour les frais administratifs, mais pour la Croix-Rouge dominicaine, il s’agit là d’un prix modeste, puisqu’elle n’aurait jamais reçu ces dons sans la plate-forme.
La FICR a collaboré avec la Croix-Rouge suisse et avec la plate-forme pour renforcer la collecte de fonds en ligne par et avec les Sociétés nationales. Aujourd’hui, 161 Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge utilisent ce système, qui fonctionne en 12 langues et accepte les dons dans plus de 80 devises, par 20 moyens de paiement différents.
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