Un atterrissage en douceur
Pour des volontaires comme Sami Rahikainen, il est crucial d’établir une relation de confiance avec les migrants qui arrivent dans un nouvel endroit à la recherche d’une toute nouvelle vie. Voici son histoire.
Hommage a été rendu aux membres de la Croix-Rouge italienne pour leur action de secours aux migrants en situation désespérée qui débarquent sur les côtes de l‘Italie après avoir traversé la mer Méditerranée. Photo : FICR
Les représentants du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et des gouvernements se sont réunis en décembre 2015 à l’occasion de la XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Plusieurs problèmes épineux pesaient sur leur ordre du jour, comme par exemple :
Plus de 169 gouvernements ainsi que les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de 185 pays, sans oublier la FICR et le CICR, participaient à cette réunion de trois jours, axée sur la recherche du consensus et sur l’élaboration d’accords visant à améliorer la préparation et la réponse aux catastrophes naturelles, aux conflits, à la violence, aux urgences sanitaires et aux problèmes sociaux chroniques.
Les États et le Mouvement ont adopté dix résolutions sur un large éventail de questions : le renforcement de l’action en matière de prévention et d’intervention sur la violence sexuelle et sexiste; le renforcement du droit international humanitaire; la protection des personnes privées de liberté; la protection des volontaires de l’humanitaire et la fourniture des soins de santé; et le renforcement des cadres juridiques applicables aux interventions en cas de catastrophe, à la réduction des risques de catastrophe et aux premiers secours.
La Conférence a aussi autorisé le CICR et le gouvernement suisse à poursuivre leurs consultations avec les États afin d’élaborer des mécanismes pour renforcer le respect du droit international humanitaire. Elle a, en revanche, rejeté une proposition de mécanisme volontaire, présentée par le CICR et le gouvernement suisse, qui visait à améliorer les pratiques sur le terrain par la présentation de rapports nationaux des États.
Des actes concrets
La réunion a aussi offert l’occasion de renforcer la prise de conscience et d’imprimer un élan pour que ces résolutions, ainsi que d’autres initiatives humanitaires, soient traduites en actes sur le terrain.
À une époque où l’accès humanitaire en temps de conflit est de plus en plus difficile, l’un des messages essentiels adressé à toutes les parties a été un appel urgent pour que les agents humanitaires puissent accomplir leur tâche. Ils doivent bénéficier d’un accès, dans la sécurité, aux personnes touchées par le conflit ou par d’autres calamités. La conférence a aussi été l’occasion de mobiliser les forces pour aider les communautés locales elles-mêmes à gagner en résilience, par des investissements concrets dans la préparation aux catastrophes, dans les systèmes de santé et dans les initiatives économiques à petite échelle.
Dans les deux cas, les réseaux de volontaires à assise locale des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge étaient un élément central du message. Un hommage a ainsi été rendu au Croissant-Rouge arabe syrien et à ses volontaires pour leurs efforts qui ont permis d’acheminer une part très importante des secours internationaux aux personnes prises au piège par les combats. Les volontaires de la Croix-Rouge italienne, quant à eux, ont été félicités pour avoir fourni vivres, soins médicaux, hébergement et d’autres services aux migrants fraîchement débarqués.
Des volontaires de Sociétés nationales d’Afrique de l’Ouest ont pu décrire le rôle qu’ils ont joué pour endiguer la maladie à virus Ebola. Avec la baisse du nombre de cas dans la région en 2015, la riposte du Mouvement a montré comment les réseaux locaux de volontaires sont parvenus à vaincre la peur et la défiance des communautés, à mener un travail extraordinairement délicat et finalement à repousser cette épidémie mortelle.
Mariama Manneh, volontaire âgée de 24 ans travaillant pour l’une des équipes d’inhumations sans risque et dans la dignité de la Croix-Rouge de Sierra Leone, a admirablement représenté ces volontaires. Avant son arrivée au sein de son équipe, l’enlèvement des corps était l’apanage des volontaires masculins, ce qui allait à l’encontre des mœurs traditionnelles, qui veulent que seules des femmes puissent préparer le corps d’une femme pour l’enterrement.
Lorsque l’équipe de Mariama Manneh était appelée à préparer un corps féminin pour inhumation, elle était la première à entrer dans la maison, à désinfecter le corps et les lieux et à préparer le corps afin que ses collègues masculins puissent ensuite le transporter jusqu’à la tombe. «Nous disons, dans notre équipe, que nous apportons la sécurité aux vivants et la dignité aux morts», a déclaré Mariama Manneh, présente à la Conférence pour recevoir un prix au nom des plus de 500 membres d’équipes d’inhumation de Sierra Leone. «Le fait d’inclure des femmes dans ces équipes nous a permis de préserver la dignité de toutes les personnes décédées pendant l’épidémie.»
Un message de portée globale
La Conférence a aussi été encouragée par les résultats d’autres réunions de portée mondiale, comme la COP 21 à Paris, où la pression exercée par des milliers de groupes de défense de l’environnement, de développement et d’action humanitaire (dont le Mouvement) a amené les dirigeants du monde entier à conclure un accord sur le climat fixant des objectifs précis pour la stabilisation des températures de la planète, pour la réduction des émissions et pour des investissements dans les mesures d’atténuation des effets des changements climatiques.
À Genève, pendant ce temps, la FICR lançait la «Coalition d’un milliard pour la résilience», qui a pour objet de susciter, dans le monde entier, un élan à assise locale pour la réduction des risques et d’autres mesures destinées à réduire la vulnérabilité des communautés exposées aux catastrophes.
Une autre réunion internationale figurait à l’ordre du jour : le sommet mondial humanitaire, qui réunira en mai 2016 à Istanbul, sous l’égide des Nations Unies, des organisations internationales d’assistance, des organisations non gouvernementales et des groupes humanitaires locaux pour débattre de la manière d’améliorer l’efficacité de l’assistance humanitaire.
À partir de commentaires recueillis auprès de dirigeants communautaires, de volontaires et d’agents humanitaires de première ligne à l’occasion de cinq événements régionaux, ainsi que dans la campagne «Des paroles aux actes» (voir ci-dessous), le Mouvement a aussi rédigé et approuvé une déclaration adressée au sommet humanitaire mondial qui demande «des engagements clairs en faveur du respect de la dignité humaine, de l’assistance aux populations et de leur protection dans les catastrophes, les conflits armés et autres situations d’urgence».
L’accès des agents humanitaires aux victimes ne doit pas être entravé, poursuit la déclaration. Cette proximité est nécessaire pour garantir que les personnes touchées par une crise jouent un rôle important dans leur propre relèvement. «La participation est un aspect important de la dignité humaine», affirme le texte. «Les personnes touchées devraient pouvoir prendre une part active aux interventions humanitaires visant à alléger leurs souffrances et à réduire les risques auxquels elles sont exposées.»
C’est pour cette raison que la proximité et la confiance sont essentielles. «Pour bien travailler ensemble, les institutions humanitaires doivent être proches des communautés qui ont besoin d’elles et coopérer avec les autorités compétentes.»
La déclaration appelle aussi le sommet à accorder davantage de priorité au financement de l’action humanitaire à assise locale. «Le système international continue d’accorder une importance disproportionnée aux acteurs internationaux et ne laisse pas les organisations locales exercer suffisamment d’influence sur la prise de décisions opérationnelles et les politiques humanitaires.
«Ce déséquilibre doit être corrigé», affirme la déclaration. «Des investissements plus soutenus dans les systèmes d’intervention nationaux et les services de base renforceront les partenariats entre acteurs locaux et acteurs internationaux.»
Si de nombreuses organisations humanitaires (dont le CICR) fonctionnent avec des budgets plus élevés que jamais, en raison de l’énormité des besoins, l’ampleur toujours croissante des besoins à l’échelle globale a donné lieu à des appels pour que soit modifiée la manière dont sont fournies l’aide humanitaire et l’aide au développement.
Certains critiques de l’action humanitaire affirment que le système d’assistance est hors d’usage et doit être entièrement repensé, tandis que d’autres considèrent qu’il est simplement mal financé et que la structure de base est efficace. Les consultations menées en vue du sommet ont mis en exergue plusieurs thèmes fondamentaux, et notamment le renforcement des capacités des gouvernements nationaux et des communautés locales de relever les défis plutôt que de placer continuellement l’essentiel des ressources entre les mains des organisations humanitaires internationales.
Toutefois, conclut la déclaration, le soutien à l’action locale ne doit pas être aux dépens de l’aide humanitaire internationale. La déclaration du Mouvement demande plutôt au sommet d’«affirmer la complémentarité de l’action locale, nationale et internationale».
La 20e Assemblée générale de la FICR a accueilli au sein de la Fédération la Société de la Croix-Rouge de Tuvalu, qui devient ainsi la 190e Société nationale membre du Mouvement. Étant donné les préoccupations que suscite chez de nombreux habitants de Tuvalu la montée du niveau des mers autour de cette nation insulaire, cette adhésion est «une excellente nouvelle», a déclaré Isaia Vaipuna Taape, membre du conseil exécutif de la Société nationale. «Cette journée est très importante pour nous», a-t-il ajouté, précisant que le nouveau statut de la Société nationale lui permettra de renforcer ses relations avec ses partenaires locaux et internationaux et l’aidera à évoquer des préoccupations humanitaires pressantes, comme les changements climatiques, à l’échelle internationale. Malheureusement, la secrétaire générale de la Société de la Croix-Rouge de Tuvalu, Olioliga «Oli» Iosua, a été empêchée d’assister à l’Assemblée pour raisons de santé, et la maladie l’a emportée à la fin du mois de janvier. Largement reconnue comme une dirigeante mobilisatrice et visionnaire, Olioliga Iosua représentait une voix humanitaire importante dans le Pacifique.
Les réunions du Mouvement ont aussi fourni l’occasion d’entendre l’avis de faiseurs d’opinion qui contestent certaines des idées reçues qui ont guidé le développement et l’aide humanitaire. L’un d’entre eux était l’économiste Dambisa Moyo, auteur de Dead Aid, why aid is not working, qui affirme depuis longtemps que l’aide au développement à grande échelle peut faire plus de mal que de bien. Elle a précisé qu’elle ne plaidait pas contre l’aide d’urgence. «Nous avons un devoir moral d’agir, a-t-elle déclaré. Si nous faisons partie d’une famille humaine universelle, nous ne pouvons pas rester passifs lorsque des atrocités se produisent.» C’est l’aide au développement à grande échelle et à long terme qui la préoccupe. L’un des problèmes essentiels, selon elle, est que les grands programmes d’assistance créent une dépendance parmi les gouvernements qui en bénéficient et rompent des contrats sociaux importants en rendant ces gouvernements, dépendants de l’aide, redevables de leur action devant les donateurs internationaux plus que devant les citoyens et les contribuables.
Une initiative du Mouvement, intitulée «Des paroles aux actes», avait pour objet de porter à l’attention de la Conférence internationale et du sommet humanitaire mondial à Istanbul, en mai 2016, les idées et les points de vue d’acteurs humanitaires locaux agissant dans des communautés du monde entier. Voici deux commentaires tirés des contributions de quelque 7000 personnes, transmises par les médias sociaux, lors de réunions régionales ou dans des entretiens individuels. «Encourager une collaboration plus étroite entre les services de santé, en particulier entre pays développés et pays en développement, pourrait améliorer grandement les choses en assurant une réaction rapide lors de catastrophes naturelles et de flambées de maladies», a suggéré un participant du Rwanda. «Chaque maison ou chaque famille devrait disposer d’une personne formée aux soins d’urgence, capable de prodiguer les premiers secours avant l’arrivée des professionnels», a proposé un autre participant d’Indonésie. Les idées exprimées dans le «Vision Lab», un espace de réflexion collective créé dans l’une des salles de réunion, ont apporté d’autres contributions.
La combinaison meurtrière des changements climatiques et du conflit frappe depuis longtemps certaines parties du Sahel.